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18 juillet 2021

Et si l’infécondité était une histoire de famille ?

 

 

Bébé ne vient pas …

Et si ce n’était pas qu’une histoire de gamètes, d’embryons ou d’utérus ?

Si la fécondité se jouait aussi du côté des désirs et « verrous inconscients », personnels mais aussi familiaux ?

Poser cette hypothèse d’un lien entre l’absence de l’enfant désiré et la trame de l’histoire familiale, peut permettre d’éclairer et lever certaines difficultés fertiles. C’est aussi la possibilité de faciliter le choix de modalités de conception avec aide médicale, voire avec tiers donneur, et d’inscrire les parents en devenir et les futurs enfants dans une trame de sens, une histoire, une « identité narrative ».

 

Désirer devenir parent … comme ses parents !

 

Souhaiter devenir mère ou père et vivre sans enfant est non seulement une souffrance intime mais aussi une souffrance relationnelle : celle de ne pas « être comme » . . . comme ses amis, comme ses frères, sœurs, cousin-e-s, . . . et plus encore peut-être celle de ne pas être comme ses propres parents, grands-parents, aïeux.

 

Par définition, notre seule qualité de « fils ou fille de . . . » témoigne de la fécondité de ceux qui nous ont précédé.  L’absence d’enfant peut alors nous faire nous sentir « à part » et  interroger notre sentiment d’appartenance et notre loyauté à cette lignée :

Comment assumer de ne pas faire de ses parents des grands-parents ?

Comment solder sa « dette de vie » quand on n’a pas d’enfant ?

Et comment comprendre le silence de la famille face à cette absence d’enfant ?

Comment interpréter une apparente indifférence à cette transmission qui pour un temps ne se fait pas et pourrait s’interrompre dans notre branche ?

 

Comment fait-on les bébés, à la mode de chez vous ?

 

« Chez nous on a toujours fait des bébés facilement ! » avez-vous peut-être entendu ; et vous voilà comme « hors-norme », différent-e et meurtri-e, avec le ressenti d’être en marge du système familial. Si certains de ses membres expriment leur sincère compassion, souvent avec pudeur, la plupart esquivent le sujet et votre infécondité fait fréquemment l’objet d’un silence assourdissant.

 

Certaines personnes rapportent aussi : « dans ma génération, au niveau des cousins, célibataires ou en couple, la majorité n’a et n’aura pas d’enfant, et personne n’en dit jamais rien » ou encore « Nous sommes 3 générations successives d’enfants uniques et je peine à engendrer la génération suivante. J’ignore pourquoi. »

 

Le point commun pour de nombreuses personnes infécondes, c’est que tout ce passe souvent comme si cette situation, au plus profond, n’étonnait pas vraiment la famille ; comme s’il y avait dans cette difficulté à accéder à la place de parent ou à faire advenir un enfant, à la place qui l’attend, quelle que chose d’une évidence, d’un ordre logique, inconscient, auquel le système serait soumis ; comme si cette situation répondait à une forme d’équilibre dont tout le monde dans la famille s’accommoderait . . . sauf vous !

 

Poser un regard transgénérationnel sur la famille

 

L’analyse transgénérationnelle s’intéresse à la famille, celle d’aujourd’hui ; celle qui nous a précédés, jusqu’à 4, voire 7 générations ; et aussi à celle qui vient, les générations futures.

Elle observe les liens d’alliance entre les personnes et les dynamiques d’engendrement des enfants qui permettent de faire famille. Elle interroge la place de chacun et ce qui est transmis, ou pas, entre les générations.

 

Les récits, les habitudes et silences familiaux, les documents et photos, les actes d’état civil constituent des sources complémentaires au vécu de la personne qui consulte. Ils permettent d’éclairer ces transmissions :

Au-delà des hérédités portées par l’ADN et des héritages matériels, quels noms, prénoms, valeurs, croyances, règles de comportement et stratégies de vie et survie nous ont été donnés, montrés, appris, consciemment et inconsciemment ?

Quelles missions et quelles loyautés, quelles nécessaires reproductions, quelles histoires à rejouer, ont été posées dans notre berceau ?

Quels traumatismes, quels besoins du système familial, se cachent, parfois même sont tenus secrets, derrière ces répétitions, ces missions et loyautés ?

A notre place d’homme ou de femme, d’aîné ou de cadet, de porteur de tel ou tel prénom, né à une date parfois récurrente, doté de tels ou tels appétences ou aversions, porteurs de telle ou telle histoire de vie, qui sommes-nous aux yeux de notre famille ? Nous sommes celle qui …, celui qui …

 

Et vous, si vous preniez quelques instants pour compléter ces propositions : Dans ma famille, je suis celui / celle qui … et on m’a transmis …

Notez ce qui vient spontanément, et laissez-vous surprendre !

 

La famille, un métier à tisser des histoires de vie !

 

ANNETTE est celle qui reste l’enfant sans enfant de ses parents. Elle réalise qu’ainsi, elle les préserve d’un changement de génération ; comme si ne pas faire de ses parents des grands-parents pouvait figer le temps et les préserver de la mort. Quand elle réalise que sa propre grand-mère est décédée pendant que sa mère était enceinte d’elle, la force contraceptive de la croyance inconsciente « une mort pour une vie » associée à son empreinte de naissance devient évidente.

 

CATHERINE est celle qui vit avec la peur d’une violence masculine omniprésente dans les couples de ses lignées maternelles et paternelles. Désireuse de devenir mère, elle est célibataire et sans enfant. Elle réalise qu’en tenant à distance d’elle-même et d’un possible enfant un homme et un père, elle tente de se faire bonne mère protectrice. Quel meilleur moyen de préserver d’une violence paternelle l’enfant dont elle pourrait devenir la mère, la petite fille qu’elle a été, celle que sa mère a été, …  que d’envisager le don de sperme, voire même de ne pas donner naissance du tout ?

 

PAUL est celui dont le père est parti quand il était petit, et qui porte le nom de famille d’une aïeule dite « fille-mère » dans une époque où la morale sociale les condamnait. Aujourd’hui les résultats de son spermogramme montrent la nécessité d’un recours à une FIV-ICSI et émerge la question de savoir : « comment devenir père, un père présent, engagé, dans une lignée de père absents ? »

 

MATHILDE réalise qu’elle est celle dont le père lui a donné le prénom – et avec lui le destin ? – d’une autre,  le prénom rare, d’une sœur de son arrière-grand-père. Et Mathilde rejoue aujourd’hui malgré elle le drame de la Mathilde d’antan, celui des rendez-vous manqués avec les hommes et la maternité. Par cette identification pour quel genre de travail de mémoire d’une branche sans fruit a-t-elle été missionnée ?

 

PIERRE & ANGELE sont ceux qui enchaînent les espoirs déçus et les fausses-couches, souvent tardives. En enquêtant sur l’histoire familiale intime, en posant les arbres de leurs deux familles, ils réalisent qu’ils sont peuplés d’ « anges », d’enfants perdus. Les deuils d’enfants rendus impossibles par la douleur de leurs ascendants, leur déni, leur silence pour survivre, sont comme remis en scène, encore et encore, jusqu’à ce que la mise en conscience et en rituel réouvre l’espace pour une naissance.

 

Dans la consultation d’analyse transgénérationnelle préconceptionnelle se dévoilent toutes les histoires singulières de celles et ceux dont la fécondité se trouve pour un temps contrariée (NB concernant les exemples : les prénoms sont modifiés, les contenus anonymisés).

 

En regardant de plus près ces histoires familiales, il est possible de retrouver la mémoire, souvent perdue, d’un passé qui n’est pas passé et dont nous rejouons, malgré nous, un extrait de la partition : nos ascendants ont pu vivre des traumatismes qui influencent notre capacité à donner la vie et devenir parent aujourd’hui. Il peut s’agir notamment d’effets de traumas liés au corps et à la sexualité (violence, abus, viols, incestes, …), aux alliances (femmes abandonnées, célibataires, « filles-mères », partenaire trompé, … ), aux engendrement d’enfant et à la parentalité (grossesses et enfants perdus, grossesses non désirées, abandons, décès maternels, paternels, …), aux guerres et migrations (perte de la maison, de la terre natale, des tombes).

 

La prise de conscience, la mise en représentations et en rituels contribuent à renégocier les « contrats » qui pèsent sur nos têtes et celles de nos enfants. Elle ouvre la possibilité d’une conquête nouvelle : être loyal à la fois au passé et aux ascendants, à soi-même et aux enfants à venir, les « ancêtres du futur », comme les appelle Constance Lanxade !

 

Dans certains cas ce sont les modalités de conception « moins conventionnelles » qui trouvent du sens dans l’histoire familiale.

 

MELANIE, par exemple, envisage une conception par double don. Elle évoque l’histoire de son propre père, qui est celui qui est inscrit dans une double filiation, génétique et adoptive. Elle comprend que par le double don, elle met son futur enfant en situation d’être lui aussi inscrit dans des liens génétiques, nourriciers, filiatifs, d’amour et d’éducation avec plus de deux personnes et que c’est une façon de rejouer cette histoire et de se l’approprier en conscience.

 

Une absence d’enfant qui fait sens ?

 

Et vous, au nom de quelle histoire inachevée pourriez-vous éprouver des difficultés à concevoir ?

 

Et comment pourriez-vous métaboliser ce passé pour écrire et incarner, à votre tour, une nouvelle génération pour poursuivre l’histoire familiale ?

 

crédit photo : Pexels

Article publié dans une première version par Estelle Métrot <br/>en février 2019 sur fiv.fr


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