Interview d’Odile Tresch
Enseignante-chercheuse, spécialiste des mythes et rites de la Grèce antique,
créatrice du cycle Ceinture de Femme, Ama’Zona
Le cycle Ceinture de femme est un cursus pour apprendre et expérimenter l’art de prendre soin de notre bassin avec une ceinture selon la tradition ancestrale européenne.
Le 16 septembre 2021, je recevais Odile Tresch, enseignante-chercheuse en grec ancien à l’Université de Nantes, spécialiste des rituels féminins de la Grèce antique et de la mythologie des origines, créatrice de ce cursus.
Nous avons parlé de mythes, de rites, évoqué Artémis, déesse délieuse de ceinture et les pratiques de ceinturage.
Voici la transcription de l’interview.
Lors de notre première rencontre, tu as formulé une idée qui m’a semblée clé et que je résumerais ainsi en quelques mots : la mythologie nous raconte l’origine du monde et nous offre une bibliothèque de possibles qui est comme une inépuisable source d’inspiration pour vivre tous les recommencements du monde, les nouveaux points d’origine.
Dans le contexte actuel, nous pouvons entrevoir selon les moments et les sensibilités, des formes de mutations profondes du monde, de l’humanité, et craindre des risques de chaos comme nourrir des espoirs de renouveau.
Comment les mythes et rites des anciens, la mythologie grecque en particulier, dont tu es spécialiste, peuvent-ils faire ressource pour nous concrètement aujourd’hui, à ce point de recommencement du monde ?
La mythologie, notamment celles des origines et de nos origines, a effectivement ceci de génial qu’elle contient toutes les probabilités du vivant, toutes les potentialités qui peuvent être déployées et se manifester dans le futur … un peu comme les bourgeons des plantes et les cellules souches. Elle propose donc toujours une possibilité d’ouverture, de cheminement même improbable de la vie, bien précieuse quand on se sent dans une impasse, ce qui peut être le cas actuellement ; et elle apporte des nuances, une immense variété, on pourrait même dire une biodiversité des expériences du vivant, sans jugement … car rien n’est bien ou mal en absolu : il n’y a que ce qui est approprié ou pas en fonction du contexte et de l’environnement, et avec des garde-fous essentiels. Elle favorise donc une ouverture d’esprit, de conscience, voire de cœur, bien utile à l’époque que nous traversons.
Les mythes, comme les rituels d’ailleurs puisque les deux sont intimement liés, offrent aussi un rééquilibrage des niveaux conscients et inconscients ; ils activent le dialogue entre ces champs, ce qui est très aidant aujourd’hui, car beaucoup d’informations qui n’étaient pas conscientes se révèlent, dans ce « dévoilement » qu’est étymologiquement l’apocalypse : c’est difficile et l’on peut être tenté par le déni. Le mythe, qui est une voix/e douce, active directement sur le champ psychique, à ne pas confondre avec le mental, permet une régulation bienfaisante.
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J’aime à dire que les mythes sont non pas des histoires pour endormir les enfants mais bien des histoires pour réveiller les adultes !
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Sur un autre plan, mon point de vue est que nous évoluons en vortex et que nous sommes à un point de bascule vers une nouvelle ère, un point d’origine : nous sommes donc en résonance immédiate, sur la même longueur d’onde, presque en « conjonction cosmique » avec les autres points d’origine. C’est la raison pour laquelle nous ressentons profondément le besoin d’entendre et de comprendre les messages des peuples des origines, de leur bon sens, dans tous les sens du terme, le bon sens fondamental, basique, structurel, et le bon sens évolutif.
Mes propos ont peut-être l’air abstraits comme ça, mais, en réalité, c’est très concret, parce que ça touche aux histoires que nous racontons, à la façon dont on raconte nos vies, à la façon dont nous entrons en relation avec nous-mêmes, avec nos histoires, avec les histoires des autres, à la façon dont nous ressentons ce que nous vivons et donc des actes que nous posons, des choix que nous faisons, et tout ce que nous créons dans le présent et dans le futur.
Pour chacun-e de nous l’enjeu de souveraineté semble crucial aujourd’hui. En quoi selon toi pratiquer des rituels avec une ceinture, vivre dans notre bassin, peut-il nous aider à asseoir cette souveraineté ?
Dans le titre génial que tu as choisis, « accrochez vos ceintures », on ressent tout de suite la sécurité que le port de la ceinture favorise.
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Quand on porte une ceinture autour de son bassin, on revient à soi, on se ressent présente à soi, on se sent là, on se sent rassemblée et pas dispersée, soutenue, réunie, gardienne de son intime, de son sanctuaire.
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Cette pratique, toute simple et presque anodine, permet de garder ou de retrouver son intégrité, de rester bien en soi à sa juste place. Revenir à soi, être soi, c’est se respecter.
C’est aussi naturellement laisser l’autre être soi et le respecter. Beaucoup de femmes témoignent qu’elles ressentent davantage leurs limites et donc se font davantage respecter, et, ainsi, elles entrent d’ailleurs en relation beaucoup plus saine avec les autres, avec leur mère par exemple, car les limites sont plus claires, et elles osent être davantage elles-mêmes, être vraies authentiques.
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La grande déesse qui est la maîtresse des Ceintures, la Délieuse de ceinture, est Artémis: déesse essentielle pour les humains, elle nous relie à notre intégrité innée, notre autorité naturelle.
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Le sens de cette autorité est d’être en capacité et responsabilité d’agir, d’être souveraine dans notre royaume. L’idée de souveraineté est incarnée par Zeus, le père d’Artémis : Zeus devient le père des dieux et des hommes non pas parce qu’il est en haut de la pyramide et écrase tout le monde, mais parce que, dès qu’une nouvelle créature naît dans le cosmos, il lui donne sa juste place avec la juste fonction qui est la sienne au sein du tout... Et c’est cela l’harmonie !
Porter la ceinture, s’encercler, permet de retrouver son unicité et aussi donc son lien avec les autres, en toute harmonie.
Les femmes que j’accompagne dans leur désirs d’enfant et tous leurs enfantements à leur façon, sous des formes diverses, à tous les âges de la vie, redécouvrent peu à peu la puissance de leur utérus, de leur bassin, de leur nature cyclique.
Comment la pratique de la ceinture peut soutenir notre vitalité et nos processus d’enfantement ?
J’ai pu constater, depuis plus d’une dizaine d’années, que le port de la ceinture favorise effectivement le processus d’enfantement. Il y a des bébés, grands maintenant, qui viennent de ventres maternels qui ont porté des ceintures et de mères à qui l’on avait prédit qu’elles n’auraient pas d’enfant.
Dans une grande majorité des retours des femmes qui pratiquent le port de la ceinture, elles témoignent qu’elles ressentent leur énergie sexuelle revitalisée, que leurs cycles menstruels sont régularisés et apaisés.
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Tout se passe comme si, naturellement, notre fécondité innée était libérée, précisément parce que l’on ressent davantage de sécurité, de conscience corporelle, de soin de soi, d’amour de soi, de confiance en soi.
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Participe à ce phénomène aussi la pacification des mémoires : se relier à des racines originelles permet de passer au-delà des « couches » de mémoires pour se ressourcer à l’origine. On est davantage en relation avec son corps, son bassin, toute cette zone énergétique particulière, qui est le lieu alchimique par excellence, de transformation de la lumière en matière, le lieu d’accueil aussi de nos visions. Là aussi des femmes témoignent qu’elles ont des visions plus claires de ce qu’elles souhaitent créer, comment le créer et le manifester dans la matière.
La ceinture nous accompagne donc dans tous les processus de création, que ce soit la création d’enfants ou la création de projets intimes, en accord avec qui nous sommes en essence/en naissance.
Et, comme cette pratique vient d’un rituel très ancien, réalisé par tellement de femmes avant nous, elle est très puissante car nous bénéficions aussi de tout ce qui a été déployé par elles pour ce futur que justement nous sommes pour elles et qui nous soutient.
J’ai eu la chance de participer à un cursus Ama’Zona Ceinture de Femme. C’est une expérience profonde, fondatrice, qui participe à nos initiations de femmes.
Peux-tu nous préciser à qui le cursus Ceinture de femme s’adresse et nous expliquer comment il se déroule ?
Le cursus s’adresse à toutes les femmes, quel que ce soit leur âge, même si leurs cycles ne sont plus visibles, qu’elles aient des enfants ou pas, ... et même aux hommes qui désirent expérimenter leur côté féminin.
Depuis sa naissance, il évolue. Chaque nouvelle session propose donc une version upgradée, à laquelle d’ailleurs ont accès les anciennes. En pratique, le cursus actuel se déroule sur 13 semaines, en 7 modules, que chacune peut visionner, écouter, intégrer à son rythme chez soi, en quinzaine, et chaque module est accompagné d’un atelier en live par zoom où l’on se retrouve pour vivre les pratiques ensemble et partager nos expériences. Ces ateliers sont disponibles en replay.
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Dans ce cursus de base, on aborde les
aspects pratiques, physiologiques, énergétiques, symboliques, mythologiques
et rituels du
port de la ceinture.
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C’est vraiment le processus de base pour apprendre à être pleinement là, en soi, dans son bassin. Pour les femmes qui portent des mémoires de traumas utérins, je propose aussi un accompagnement individuel en parallèle afin qu’elles puissent bénéficier de pratiques adaptées à leurs cas.
Ce cursus de base ouvre sur des modules complémentaires : ceintures de grossesse et de post-partum, ceintures aphrodisiaques, plantes et ceintures, que je rends disponibles au fur et à mesure.
Il ouvre aussi sur une partie méso-américaine, enseignée par Eugenia Corne, avec qui j’ai créé à l’origine Ama’Zona, que nous avons nommée ainsi en référence au fleuve Amazone et aux Amazones de la mythologie grecque, Ama’Zona signifiant « avec une ceinture ».
Au début, nous transmettions ensemble et en même temps le port de la ceinture selon nos deux traditions. Puis nous avons constaté à quel point les femmes occidentales avaient besoin de s’enraciner dans leur culture avant de recevoir les beautés de ce que la culture méso-américaine a à leur apporter.
Les pratiques relatives au port de la ceinture sont très simples. Néanmoins, il me semble important de préciser, pour celles qui ressentiraient l’appel de ce cursus, qu’il est, pour reprendre là encore les mots de celles qui l’ont expérimenté, un « vrai processus de connexion et de guérison pour soi-même » et qu’il est bon d’y entrer avec une forme d’engagement vis-à-vis de soi-même.
Pratiquement, l’art de la ceinture suppose de disposer d’une ceinture, n’est-ce pas ? Comment se procurer une ceinture ?
Tu collabores avec Nadège Feuillet, doula-couturière, qui confectionne des ceintures sur mesure avec créativité, amour et conscience. Tu nous en dis un peu plus sur les ceintures d’ADN, l’Atelier De Nadège.
La confection d’une ceinture se passe dans le cadre du cursus. Quand vous vous inscrivez, vous avez accès au catalogue Ama’Zona de Nadège Feuillet où vous avez le choix entre plusieurs modèles originaux créés par Nadège, jeune femme pleine de talents pour qui j’ai eu un coup de cœur et avec qui j’adore travailler. Nadège vous confectionne la ceinture de votre choix sur mesure dans un tissu de lin bio cultivé en Normandie et tissé en Belgique. Vous avez le choix également entre plusieurs coloris et épaisseur de tissu. Nadège vous propose aussi la possibilité de broder sur votre ceinture un symbole qui vous est cher ou qui peut être aussi de son inspiration qui est très fiable. Elle réalise tout cela en conscience, en lien avec chaque femme, dans une belle éthique. Son travail est magnifique et nombreux là aussi sont les témoignages de femmes qui sont tellement émues de porter autour de leur bassin une si belle ceinture, faite pour elle avec amour et conscience. Nadège propose aussi des pochettes de rangement, des mini-ceintures pour les rituels, et une autre gamme Mama’Zona de ceintures de grossesse.
Quand commencera le prochain cycle Ceinture de femme ?
Toutes les informations sont disponibles sur le site mytheetriteenpratique.com. Le cursus suivant se déroulera au printemps 2022. Il est possible de m’envoyer un mail à odile.tresch@mytheetriteenpratique.com pour se pré-inscrire et recevoir les informations au moment voulu.
Investir la ceinture, c’est bien sûr offrir des ressources autour de la naissance. Tu évoquais les modules complémentaires avec les Ceintures du grossesse, du post-partum, Ceintures et plantes. Tu animes aussi des séminaires en co-animation. Tu peux nous en dis plus ?
Oui, avec Isabelle Challut, nous proposons trois jours pour explorer notre rapport aux grands passages de l’existence que sont la naissance et la mort par la voie des mythes et des rituels. Cet atelier « Mythes et rites autour de la naissance » est ouvert à tous, il est proposé aussi en formation continue aux doulas. Il se déroule sur 3 jours en live via zoom avec des horaires adaptés au Québec et à l’Europe. C’est un atelier bien utile actuellement car nous traversons tous dans nos vies des morts et renaissances symboliques, voire réelles.
Et puis en avril 2022, avec toi Estelle, nous animerons le séminaire « Mythes et rituels autour de la conception », fruit de notre programme de recherche Sacrée fécondité, où nous allons à la sources des mythes de conceptions extra-ordinaires toujours pour proposer des ressources opérantes dans nos vies actuelles.
Plus d’informations :
Odile Tresch et Mythe et rite en pratique
Ceinture de femmes Ama’zona * Odile Tresch
Ceintures de l’ADN, Atelier De Nadège Feuillet
Ceinture Ama’zona * Eugenia Corne
Mythes et rites au service de la naissance
Mythes et rites atour de la conception